Le
maire d'Eygalayes a-t-il abusé de ses
fonctions en donnant par tirage au sort à la place de son
village le nom d'une femme inconnue ?
Ci-dessus, Jacques Laurent
en compagnie de Pascale Vergès, l'heureuse
gagnante qui a donné son nom à la place du village
Le village d'Eygalayes Le
village d'irréductibles Drômois est-il en
train de mettre en péril les valeurs de notre République
pour avoir voulu tourner en dérision le choix d'une Mariane
aux allures de Laetitia Casta. ? La question prêterait à sourire
si elle n'était pas posée par les plus hautes autorités
de l'Etat.
L'information
est passée presque inaperçue. Seule le Journal
Officiel rapporte que durant la séance du 24 janvier 2000 à l'Assemblée
Nationale, le député Bruno Bour-Broc s'offusque dans
une question écrite au gouvernement que l'on ait put donner à la
grande Place du village d'Eygalayes sise en Drôme Provençale,
le nom d'une femme inconnue tiré au sort.
Le
député R.P.R. de la Marne
ajoute " qu'il lui paraît
pour le moins scandaleux que le nom d'une Place du domaine public
puisse être
déterminé par le biais d'une loterie commerciale et
ce quelque soit la forme que pourraient prendre la délibération
du Conseil Municipal ".
Le
gouvernement par l'intermédiaire de
son ministre de l'intérieur
Jean Pierre Chevénement ne tarde pas à répondre
qu'effectivement il semble bien " que les règles dictées
par l'usage et régissant la désignation de lieux publics
n'ont pas été respectées en la matière
et qu'en conséquence, instruction sera donnée par le
préfet
de la Drôme de demander au maire d'Eygalayes de retirer cette
décision
du conseil municipal. "
C'est
Marc Paganel, le sous préfet de Nyons qui s'y colle. Le
27 avril il signe un courrier à destination du maire d'Eygalayes
et le 5 mai 2000 il convoque Jacques Laurent, pour lui faire part de
la demande du ministère de l'intérieur. Il vous faut,
lui dit-il en substance, rapporter la décision du conseil Municipal
du 14 février 2000 donnant à la place du village le nom
de Pascale Vergès (c'est ainsi que se nomme l'heureuse gagnante
du tirage au sort, une mère de famille de Védène
(84) et ainsi la débaptiser.
Penser
qu'il obtempérerait sans broncher, était sûrement
mal connaître le bouillant et imaginatif maire de la commune
d'irréductibles
drômois. C'était oublier aussi que la moitié des
effectifs du conseil municipal de la petite communes des Baronnies
est composé de femmes qui apportent évidemment à leur
maire un soutient combatif et unanime. " C'est incroyable, ridicule,
nous ne nous ne laisserons pas faire ! Nous allons entrer en résistance. J'en
appelle à toutes les femmes de France, à commencer par
les 683 candidates de notre souscription coup de cour de la " Place
aux Femmes ", pour refuser ce diktat sans humour ni chaleur"
Jacques
Laurent est remonté. "Les parlementaires qui se sont
offusqués de notre solidarité souriante pour toutes
les femmes anonymes n'ont rien compris ou alors ils ont voulu caricaturer
notre démarche en parlant de " loterie ". Les fonds récoltés
pour participer au tirage au sort sont entièrement destinés à l'embellissement
du village. Ils sont gérés par une association en partenariat
avec la commune et le tout a été validé en son
temps par la sous préfecture. Je suis attristé par
la tournure que prend cette affaire et je regrette sincèrement
l'attitude du gouvernement. Mais nous ne nous laisserons pas faire
! En soutenant la cause des femmes dans ce pays, nous sommes du bon
coté de la République. "
(Photos l'Express) Jacques
Laurent a repris son bâton de pèlerin de la cause
des femmes. Téléphone, fax, Internet, tous les moyens
de communication de " La forge Sainte Marie " où il réside à Eygalayes
se sont remis à chauffer à blanc. Les amis élus
de la Région, du Conseil Général, les parlementaires
de tous bords contactés par Jacques Laurent se montrent pour
le moment fort discrets, comme un peu embêtés par cette
histoire complètement atypique.
Les copains journalistes et des médias eux sont ravis. Dans les
salles de rédaction on se frotte les mains. ! Va-t-on vraiment
assister à un bras de fer entre le maire d'Eygalayes et le ministre
de l'intérieur au sujet d'un nom de place de village qui ne serait
pas celui d'un Top-Model. ?
Le maire drômois qui avait voulu tourner en dérision le
choix d'une Marianne Top-Model en faisant dans sa commune une vrai " Place " aux
femmes et en baptisant celle du village du nom d'une inconnue, suscite
maintenant les foudres de plusieurs parlementaires. Le ministre de l'intérieur
s'en mêlant, va-t-on retirer aux femmes la seule " Place " qui
leur fut jamais accordé par humour ?
Alain Bosmans
Ce qu'en
dit le Journal Officiel
Le
maire d'Eygalayes a-t-il abusé de ses fonctions en donnant
par tirage au sort à la place de son village le nom d'une
femme inconnue. ? Le village d'irréductibles Drômois
est-il en train de mettre en péril les valeurs de notre
République pour avoir voulu tourner en dérision
le choix d'une Mariane aux allures de Laetitia Casta. ? Ces questions
et quelques autres, le "Tam-Tam des Baronnies" les a posées
aux plus hautes autorités de l'Etat...
Question du député de
la Marne
M. Bruno Bourg-Broc expose que, selon des
informations parues dans la presse, la commune d'Eygalayes (Drôme) aurait décidé de
donner à sa grand-place le nom d'une femme qui sera tiré au
sort parmi les participantes à une loterie dont les billets sont
vendus par une association chargée de l'aménagement du
lieu. Outre le fait que depuis des temps immémoriaux les noms
de voies ou de places sont attribués pour des raisons historiques
ou géographiques, il lui apparaît pour le moins scandaleux
que le nom d'une place du domaine public puisse être déterminé par
le biais d'une loterie commerciale et ce, quelque soit la forme que pourrait
prendre la délibération du conseil municipal. Il demande
donc à M. le ministre de l'intérieur si l'Etat entend s'opposer à un
tel acte. Réponse du Gouvernement L'association " Une place à votre nom " déclarée
association de la loi 1901 auprès de la préfecture de la
Drôme a été autorisée par le conseil municipal
d'Eygalayes à conduire l'animation et la gestion de la dénomination
d'une place de la commune. Interrogé par le conseil municipal
d'Eygalayes sur la procédure en la matière, le sous préfet
de Nyons lui a rappelé que, même si depuis les lois de décentralisation,
la dénomination des rues et des places publiques appartient au
conseil municipal sans que l'approbation du Préfet soit nécessaire,
le caractère même d'hommage public qui s'y attache implique
certaines règles dictées par l'usage et qui consistent à limiter
cette dénomination à des personnalités qui se sont
illustrées par les services qu'elles ont rendus à l'Etat
ou par leur contribution imminente au développement de la science,
des arts ou des lettres. Il a été également précisé au
maire que, afin d'éviter toute polémique quant au choix
de la personnalité, il convient de n'attribuer une telle dénomination
qu'à des personnes défuntes. En tout état de cause,
ces règles n'ont pas été respectées dans
le cas présent puisque le conseil municipal d'Eygalayes a accepté le
14 février 2000, la désignation de la lauréate de
la loterie organisée par l'association " Une place à votre
nom " pour baptiser la place de la commune. En conséquence, instruction
a été donnée au préfet de la Drôme
de demander au maire d'Eygalayes de retirer cette décision du
conseil municipal.
Ce
qu'en dit le sous-préfet de Nyons Après deux années passées
dans la Drôme, le sous préfet de Nyons, Marc Paganel
est sur le départ pour aller rejoindre à Douai son
corps d'origine la magistrature. A l'occasion d'une réception
offerte vendredi soir en son honneur à la mairie de Buis les
Baronnies, nous lui avons demandé son opinion sur l'affaire
de la " Place aux femmes d'Eygalayes "
Marc Paganel
Le Tam-Tam: Que reprochez
-vous au maire d'Eygalayes. ?
Marc Paganel : Moi, personnellement
rien du tout ! Mais l'administration lui reproche de n'avoir pas
respecté les
règles d'usage en matière de désignation de lieux
publics. En fait c'est surtout le précédent que constitue
cette nomination d'une place de village par tirage au sort soumis à souscription
qui la rend inacceptable. Je n'ai évidemment rien contre Eygalayes,
ses femmes, son conseil et son maire. Je trouve au contraire qu'ils
ont tous beaucoup d'imagination et d'humour. Mais l'exemple qu'ils
donnent et qui peut constituer un précédent pour des
communes plus importantes est tout simplement inacceptable.
Le Tam-Tam: Que doit faire
le maire d'Eygalayes maintenant. ?
Marc Paganel : Il doit débaptiser
sa place en retirant la délibération du conseil municipal
qui la nommait du nom de cette mère de famille du Vaucluse.
Le Tam-Tam: Et s'il s'y
refuse. ?
Marc Paganel : Nous aviserons !
Le Tam-Tam: Que jugez-vous
le plus choquant : donner le nom d'une mère de famille du Vaucluse à une
place de village de la Drôme ou représenter la République
sous les traits d'un top-model qui vit à Londres. ?
Marc Paganel :
En tant que sous préfet,
je n'ai pas à répondre à cette question. Mais
si vous me la posez en tant que simple citoyen, je répondrai
que le maire d'Eygalayes aurait mieux fait de baptiser sa place " Place
des femmes " ou " Place de la Femme " ou " Place de la femme anonyme " plutôt
que Place Pascale Verges. Mais évidemment dans ce cas le tirage
au sort et la souscription n'avait plus de raison d'être.
Propos recueillis par Alain Bosmans
Ce
qu'en dit le député de la circonscription Le
député de la Drôme
Michel Grégoire inaugurait hier matin à La Roche sur
le Buis, commune dont il est le maire une " Place du 19 mars 1962
- Cessez le feu en Algérie ". Le moment ne pouvait être
plus opportun pour lui demander de commenter l'affaire de la Place
d'Eygalayes.
Michel
Grégoire
Le Tam-Tam:
Avez vous été (vous
aussi comme votre collègue le député de la Marne
Bruno Bour-Broc) scandalisé par l'affaire de la Place aux femmes
d'Eygalayes.. ?
Michel Grégoire : Non ! Pas dutout !
Je trouve la démarche de Jacques Laurent, maire d'Eygalayes
plutôt
sympathique, drôle. Il ne manque pas d'humour ! Elle m'a fait
rire !
Le Tam-Tam:
Que doit faire le maire d'Eygalayes maintenant. ?
Michel Grégoire :
Qu'il continue à faire
ce qu'il croit bon de faire (et qu'il fait fort bien) dans l'intérêt
de sa commune. Le maire d'Eygalayes est souverain et responsable chez
lui. Ce n'est sûrement pas à moi de lui dire ce qu'il
convient de faire. Le Tam-Tam:
Comptez vous l'aider à résoudre le conflit qui semble l'opposer aujourd'hui
au Ministre de l'intérieur sur la question de la nomination des
lieux publics en France. ?
Michel Grégoire : Je n'ai
pas encore été saisi officiellement de cette affaire de façon
précise par quiconque. Mais à nouveau, je vois cette histoire
comme pagnolesque et ne souhaite pas qu'elle tourne à l'affaire
d'Etat ! Si la Place d'Eygalayes pose des questions d'ordre réglementaire,
je souhaite que l'on puisse les résoudre avec humour et sympathie
pour la démarche de Jacques Laurent.
Le Tam-Tam:
Pensez-vous comme le Ministre de l'Intérieur qu'il convient
de ne donner au lieux publics que des noms de personnes défuntes.
Michel
Grégoire : Je n'ai pas encore
eu le temps de me pencher sur cette question mais il est certain
que sur le fond, l'exemple de " la Place aux femmes " d'Eygalayes risque
de créer un précédent et constituer une jurisprudence
qui ne sera pas sans conséquences pour des communes plus importantes
avec d'autres enjeux que ceux plaisants mis en lumière à Eygalayes.
Le Tam-Tam:
Que jugez-vous le plus choquant : Donner le nom d'une mère de
famille du Vaucluse à une
place de village de la Drôme ou représenter la République
sous les traits d'un top-model qui vit à Londres. ?
Michel
Grégoire : Autant je
trouve drôle et sympathique l'affaire d'Eygalayes avec sa spontanéité populaire,
autant je n'ai pas trouvé particulièrement judicieux
l'élection
par l'Association des Maires de France de Laetitia Casta pour incarner
les traits de Marianne.
Propos recueillis par Alain Bosmans
Faut-il se mobiliser pour sauver la Place aux femmes ?
Jacque Laurent
est désormais très
remonté...
Le
petit village Drômois d'Eygalayes
devra-t-il débaptiser la Place qui porte le nom d'une femme
inconnue ? Un parlementaire conforté par le ministre de l'intérieur
condamne effectivement le choix municipal. L'idée était simple et sympathique : associer
en un événement conjoint un hommage symbolique aux femmes
anonymes et la collecte de quelques ressources pour compléter
le financement de l'aménagement de la Place du village. L'opération " Place
aux femmes " lancée en fin d'année dernière par
Jacques Laurent, maire d'Eygalayes, modeste commune de 76 habitants des
Baronnies drômoises, invitait les femmes à s'inscrire à un
tirage au sort dont l'issue attribuerait le nom de l'une d'elles à la
seule place du village pour un an moyennant une souscription de 50
F. Le choix, peu de temps auparavant
de Laetitia Casta comme nouvelle incarnation de notre Marianne nationale
par l'Association des maires de France, ne fut évidemment pas étranger au succès
médiatique exceptionnel que devait connaître cette opération
pleine d'humour. Jacques Laurent en effet ne se privait pas de répéter
sur toutes les ondes, sur toutes les chaînes de télévision
et à longueur de colonnes qu'il était choqué par
la consécration d'un top model pour incarner les vertus de la
République. Le jour de la Saint Valentin, Mme
Pascal Verges, mère
de famille de 36 ans, domiciliée à Vedène dans le
Vaucluse fut ainsi désigné par le sort. Tout aurait été pour
le mieux dans le meilleur des mondes, si un parlementaire, le député de
la Marne Bruno Bour-Broc, ne s'était scandalisé de cette " Loterie
Commerciale" selon le terme utilisé dans une question au gouvernement
posée à l'Assemblée Nationale. Le courroux du parlementaire devait
avoir un écho
d'autant plus important que dans sa réponse le ministre de l'intérieur
laisse entendre que les règles régissant la désignation
de lieux publics n'ont pas été respectées dans ce
village d'irréductibles drômois et promet au député que
bon ordre y sera rapidement mis. La précision ministérielle inscrite désormais
noir sur blanc dans le journal officiel désavoue en effet clairement
le maire d'Eygalayes : " Même si depuis les lois de décentralisation,
la dénomination des rues et des places publiques appartient au
conseil municipal sans que l'approbation du Préfet soit nécessaire,
le caractère même d'hommage public qui s'y attache implique
certaines règles dictées par l'usage et qui consistent à limiter
cette dénomination à des personnalités qui se sont
illustrées par les services qu'elles ont rendus à l'Etat
ou par leur contribution imminente au développement de la science,
des arts ou des lettres. " Et plus loin le ministre précise
: " afin d'éviter toute polémique quant au choix de
la personnalité, il convient de n'attribuer une telle dénomination
qu'à des personnes défuntes.. " Mais Jacques Laurent n'est pas
du genre à se soumettre
aussi aisément. Le voilà qui aujourd'hui en appelle à la
solidarité de toutes les femmes de France pour sauver sa " Place
de la femme inconnue ". "Notre souscription n'a rien d'une loterie
commerciale. Nous sommes une commune pauvre et nous avons mis notre imagination
au service de la collectivité tout en soutenant la cause des femmes.
Est-il plus scandaleux de donner le nom d'une mère de famille à une
Place de village que de se servir d'un top-model pour incarner la République. ? On peut croire en effet qu'avec
un tel discours le maire d'Eygalayes aura un certain succès et que la tâche du préfet
de la Drôme chargé de faire rapporter la décision
du conseil Municipal d'Eygalayes ne sera pas si simple. Il est vrai que
c'est sans doute la seule Place en France à avoir été accordée
aux Femmes avec le sourire.
Alain Bosmans
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