EYGALAYES
Pascale
Vergès, une mère de famille de 37 ans domiciliée à Vedène (84)
est l'inconnue qui devient, en cette Saint Valentin de l'an 2000,
la Marianne d'Eygalayes et donne par tirage au sort son patronyme à la
place du village. Il
fallait y penser et il fallait oser le faire. Baptiser la grand-place
du village au nom d'une femme anonyme,
pendant un an, par tirage au sort, contre une souscription de 50 francs,
il fallait le faire. Celui qui y a pensé c'est Jacques Laurent, le
maire d'Eygalayes. Mais c'est tout le village (76 habitants au dernier
recensement), conseil municipal unanime en tête (composé de 4 femmes
sur 8 édiles), qui a osé le faire. Depuis hier, 14 février de l'an
2000, jour de la Saint Valentin première édition du siècle, la place
située devant la mairie d'Eygalayes s'appelle Place Pascale Vergès.
« Tout
a commencé à l'automne dernier lorsque nous avons désiré aménager
la place du village », explique Jacques Laurent devant la nuée
de journalistes, photographes, cameraman et micros qui ont envahi
le paisible village en cette magnifique matinée ensoleillée de la
Saint Valentin. « Le coût total des travaux s'élevait à plus de
250 000 francs, dont 60 000 restant à la charge de la municipalité.
Une somme énorme pour notre commune qui a été classée « pauvre » par
le conseil Général. Il fallait donc que nous trouvions un financement
complémentaire. C'est alors que j'eus l'idée de lancer une souscription
qui donnerait la possibilité à ceux qui nous auraient aidés, d'avoir
une Place à son nom, pour un an, par tirage au sort. Sur ce, l'Association
des Maires de France a organisé cette fameuse élection peu républicaine
des Mariannes top models, me laissant dans l'esprit que, dans cette
affaire, toutes les autres femmes avaient été oubliées. D'où l'idée
d'offrir une « Place » aux autres femmes, à toutes celles qui ne
sont pas top model. Une place au soleil ! Celui d'Eygalayes évidemment
! »
Dés
la mi décembre la souscription est lancée par une association villageoise
créée pour l'occasion et tout naturellement nommée « Une place à votre
nom ». Ouverte à toutes les femmes de France et de Navarre, la souscription
de 50 Francs donne la possibilité à une inconnue de devenir pendant
un an l'effigie du village et de participer au tirage au sort qui,
le jour de la Saint Valentin, désignera celle qui donnera son nom à la
place d'Eygalayes. Le succès ne s'est pas fait attendre. Depuis deux
mois c'est un véritable raz de marée médiatique qui emporte le village
d'irréductibles drômois et son drôle de maire. Télévisions, radios,
presse écrite, sites Internet s'en sont donnés à cour joie en cette
saison où la parité fait recette dans l'actualité.
Les
candidatures ont afflué, de toute la France et parfois même de l'étranger.
Au total c'est 683 candidates qui auront par courrier souhaité participer à ce
tirage au sort inédit, insolite, qui « bouscule les usages » laisse-t-on
entendre du coté de la préfecture de Valence. 683 candidates qui auront
déjà eu le mérite de permettre à l'association de collecter quelques
35 000 francs, soit la moitié de la part communal nécessaire au projet
du maire. Un argent qui servira à financer l'embellissement du village
et notamment de cette place Pascale Vergès. Quelques terrains de boules,
un kiosque podium pour accueillir les fêtes de l'été et un aménagement
paysager ne sont pas un luxe pour embellir la « Place de la femme inconnue ».
Et
pour la désigner cette femme inconnue, la salle du conseil de la mairie
d'Eygalayes n'avait sans doute jamais vu autant de caméras, micros,
photographes et journalistes de tout poil. Les choses furent faites
dans l'ordre et la plus grande régularité sous le contrôle de Roger
Demichelis, huissier à Nyons. Un Conseil Municipal se réunissait aussitôt
après que le tirage au sort ait désigné Pascale Vergès. La délibération était
prise à l'unanimité baptisant officiellement la place à son nom. Pour
la petite histoire, le sort devait également désigner deux « Dauphines » à l'inconnue
d'Eygalayes. La première « Dauphine » s'appelle Yvette Pascal, une
respectable grand-mère de 82 ans domiciliée à Valence qui a une sour
vivant dans le village voisin de Lachau. La seconde est Nathalie Bin,
une mère de famille en recherche d'emploi domiciliée à Serrières en
Chautagne (Isère). Toutes deux recevront en cadeau une invitation pour
deux personnes à passer le week-end en hébergement sur « les routes
de la lavande ». Quant à Pascale Vergès, l'heureuse élue, elle compte
bien rapidement répondre à l'invitation de Jacques Laurent et des habitants
d'Eygalayes afin de venir découvrir le village dont elle est devenue
fortuitement l'égérie. Encore souhaitait-elle ne pas se précipiter
et vouloir d'abord calmer le déferlement médiatique qui avait assailli
son téléphone et sa demeure à coté d'Avignon dés que la chose avait été connu
hier en fin de matinée.
A
15 heures, la plaque hâtivement peinte par le maire lui-même portant
le nom de Pascal Vergès était apposée devant la mairie sous les crépitement
des flashs. « Il s'agit d'une plaque provisoire et l'encre n'en est
pas indélébile » devait préciser Jacques Laurent qui prévoit en effet
de renouveler l'opération ainsi tous les ans. L'année prochaine, la
plaque sera offerte à Pascale Verges en souvenir de l'année où elle
aura été « l'Inconnue d'Eygalayes ». A la Saint Valentin 2001 un nouveau
tirage au sort aura lieu auquel les postulantes de cette année seront
automatiquement inscrites. Et ainsi de suite tous les ans. « Eygalayes
continuera ainsi à donner sa Place aux femmes ! A toutes les femmes
! Une Place au soleil ! Le soleil d'Eygalayes ! »
En
attendant, tout le monde ici s'accorde à penser que le village aura
avec cette opération, bénéficié d'un superbe coup médiatique, d'une
rare intelligence, qui devrait avoir d'importantes retombées promotionnelles
positives pour toute la région.
Alain
Bosmans |